Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'encybloggedie des concepts et opinions francophones

9 mai 2007

COOPERATION OU COMPETITION ?

COOPERATION ou COMPETITION

Régulièrement je m'interroge sur ce qui signifie "être à gauche", je veux dire au delà de partager ou de se reconnaître dans la pensée des théoriciens historiques et actuels des grandes familles à gauche - par ordre alphabétique : l'anarchie, le communisme et le socialisme - ce qui n'est déjà pas évident puisque ces familles sont entre elles nettement plus fratricides qu’œcuméniques et de plus chaque famille est constituée de branches, tendances ou courants eux-mêmes rivaux. Et si l'on précise encore ce tableau en ajoutant qu'au sein de chaque famille comme de chaque branche, tendance, courant ou sous-groupe quel qu'il soit, les ambitions, les sympathies et les antipathies personnelles prédominent pour la conquête ou la conservation du pouvoir de représentation de chaque ensemble, au total l'énergie à gauche se disperse plus dans la compétition interne qu'elle ne se concentre pour coopérer à la poursuite et la réalisation des objectifs affichés.

Comme il se doit, les tenants de la compétition tout autant que les cyniques ou les désabusés rétorquent à ce constat :

-         qu'il ne peut être que le fait d'une âme naïve ou d'une pensée utopique,

-         que la compétition - qui mène à la sélection des meilleurs - est une loi imprescriptible de l'ordre naturel, le moteur de l'évolution,

-         que , de toute manière, il n'en va pas autrement ailleurs (qu'à gauche) et que l'on ne connaît pas de forme durable et réussie de coopération humaine,

-         etc.

J'accepte ces critiques et, en tout cas, je ne les sous-estime en aucun cas. Je pense seulement qu'il faut faire avec, que le premier de tous les défis est bien là : comment faire avancer la coopération dans un contexte de compétition dominante et sachant que le compétiteur est plus fort que le coopérateur, d'abord parce que le compétiteur ne s'embarrasse d'aucun scrupule - autre que pour la forme lorsque son image vis à vis d'un public en dépend -, ensuite parce que l'intervention d'un compétiteur dans un groupe de coopérateur conduit inévitablement à la démobilisation des coopérateurs et à la désagrégation du groupe coopérant.

On l'aura déjà compris : pour moi, être à gauche c'est, d'abord et avant tout et fondamentalement, être animé par l'esprit de coopération.

Vouloir coopérer avec l'autre, c'est considérer l'autre comme son égal, quelles que soient ses différences. C'est aussi, bien sûr supposer chez l'autre la même volonté de coopérer. Et plus l'objet de la coopération tend à obtenir un résultat précis par une pratique physique et morale (adresse et intelligence) continuellement renouvelée de la part des coopérateurs, et plus l'exigence d'égalité (d'effort consenti par les coopérateurs) conditionne la poursuite de la coopération.

La difficulté et le point faible de la formule de coopération réside principalement dans la confiance mutuelle que doivent se porter les coopérateurs. Confiance dans le fait que l'autre va apporter dans la coopération le même enthousiasme, le même engagement, la même adresse, la même intelligence que soi-même. Or, dans le temps et selon les circonstances, les appréciations réciproques peuvent évoluer, changer. Les faiblesse et les turpitudes humaines sont tout autant humaines que la vertu. Et, au final, il ne peut pas plus exister de coopération sans faille que d'homme parfait.

C'est dire combien le principe de coopération est fragile et vulnérable.

Pourtant, je suis convaincu que c'est de la coopération que dépend la survie, le mieux être, le progrès et l'épanouissement de l'humanité.

Cette affirmation ne procède pas d'un postulat mais de l'enseignement de l'histoire, comme du raisonnement et des sentiments lorsque l'on considère les grands problèmes de l'humanité : l'homme a transformé et continue de transformer la nature, sans pour autant la dominer, sans donc être assuré des conditions de sa propre survie dans la nature transformée - pas plus d'ailleurs qu'il ne peut être assuré des conditions de la survie de l'espèce dans l'évolution naturelle -. Il n'y a pas de doute que l'homme considère la nature à la fois comme son amie (pour se nourrir, se protéger, se soigner, son agrément,…) et comme son ennemie (menaces et concurrences animales et végétales, voire minérales, irrégularités climatiques et violence des intempéries, cataclysmes,…). Il a donc tendance à exploiter, discipliner et parfois sur-exploiter les ressources "amies", à lutter contre, détruire ou limiter les espèces, les éléments et les facteurs ennemis ou reconnus tels, et à inventer et créer, ajoutant du réel au réel, pour transformer la nature de manière à ce qu'elle lui soit en définitive, plus amie qu'ennemie. Sans toujours mesurer les risques que ces transformations (qui vont s'accélérant sous l'impulsion de groupes technologiques puissamment organisés et animés par l'esprit de compétition, c'est-à-dire engagés entre eux dans une lutte de domination) font courir à terme à la survie de l'espèce. Les questions posées actuellement sont celles de l'épuisement de ressources naturelles, de la disparition d'espèces, de la qualité de l'air et de l'atmosphère, de la quantité et de la qualité de l'eau, des modifications climatiques. Ces questions sont tout à la fois dérisoires et pathétiques :

-         dérisoires parce que les forces de la nature et de l'univers restent, sans commune mesure, déterminantes dans la transformation et le bouleversement de l'ordre naturel et universel. L'éruption du Pina Buto,  il y a quelques années, a été autrement plus active dans les atteintes à la couche d'ozone que les bombes aérosols, ce qui, bien sûr, ne justifie pas les productions humaines qui menacent la couche d'ozone, et aussi autrement plus phénoménale dans les rejets carboniques que les cheminées de chauffage et industrielles et les pots d'échappement, ce qui, bien entendu, ne peut autoriser à renoncer aux reboisements et à toutes les formes de lutte contre les pollutions;

-          pathétiques parce que les envies de vie de l'humanité sont toujours pour le plus grand nombre de se nourrir ou de mieux se nourrir, de se loger ou de mieux se loger, de se soigner ou de mieux se soigner, de se déplacer et de partager sa culture ou de mieux se déplacer et de mieux partager sa culture et d'accéder aux connaissances; parce que, pour ces envies de vie, le modèle de vie et de consommation des pays dits "avancés", modèle planétairement médiatisé, est devenu le modèle de référence; et parce que, pour finir, l'aspiration à vivre et à vivre mieux est bien plus forte pour soi-même et ses enfants que pour la descendance plus lointaine et que, pour l'heure, les désagréments et les nocivités du système de production et d'organisation qui permet le modèle de vie et de consommation des pays "avancés" sont bien moins repoussants, à quelques adaptations culturelles et religieuses près, que les bienfaits qui en sont exposés et donc attendus.

Il est vain de dénoncer globalement la "globalisation" dès lors que cette dernière est porteuse du modèle de vie et de consommation des pays avancés auprès des populations qui y aspirent. Les préoccupations sont bien plus celles des consommateurs des pays avancés qui redoutent d'y perdre quelques avantages que celles des aspirants consommateurs des autres pays. Et je me dois d'avouer, avec regret mais sincérité, que si j'étais certain que les forces de et en compétition qui développent le modèle de production "avancé" (autrement désignées comme le capitalisme) étaient aptes à généraliser (mondialiser) les standards moyens du modèle de vie et de consommation dit "avancé", je n'hésiterais pas une seconde à les soutenir car l'un des tous premiers commandement que je respecte en politique est : "ne jamais jouer avec la misère des autres". Les idées et les pratiques qui contreviennent directement ou indirectement à ce commandement sont non seulement méprisables mais encore stupides : dans un monde où les avancées technologiques  dépendent du développement des forces de et en compétition et que les avancées technologiques deviennent enjeu majeur de la compétition, alors il est évident que la misère et la pauvreté constituent la dernière ressource du dernier développement possible.

Cependant les forces de et en compétition ne sont pas plus aptes à généraliser les standards moyens dont bénéficient les populations "avancées" qu'elles ne sont capables d'éliminer la misère et la pauvreté dans les pays "avancés" eux-mêmes.

La dite mondialisation coïncide avec le stade ultime de développement possible du capitalisme.

Rappelons cette autre évidence : l'entreprise, quelle qu'elle soit, ne peut exister que si elle rémunère les hommes et/ou les femmes qu'elle emploie moins que la valeur de ce qu'elle produit et vend. Avec la différence elle doit pouvoir payer les autres moyens qui lui sont nécessaires pour produire (dont d'autres hommes et femmes qui concourent à les produire) et faire des profits - pour investir ou/et rétribuer son capital. Sans profit, une entreprise peut encore survivre et végéter mais si elle perd, elle est irrémédiablement condamnée.

A quelque étape du développement que ce soit, il est clair que la totalité des salaires directs et indirects (rémunérés par les impôts, taxes et autres charges publiques ou collatérales) payés par les entreprises ne suffisent pas à acheter la totalité des marchandises et services produites par ces entreprises -sauf à donner une valeur nulle aux ressources naturelles nécessaires aux processus de production et aussi aux profits-. C'est pourquoi Marx a conclu que le développement capitaliste impliquait la baisse tendancielle du taux de profit. Et pour que le système fonctionne, il est nécessaire qu’il attribue à la demande plus de moyens qu'elle n'en dispose par son salaire pour acheter :  le gonflement de la demande s'opère par le crédit et plus globalement par la production monétaire scripturale et officielle (la planche à billets). Cependant, le gonflement de la demande par la création de monnaie n'est pas une facilité illimitée du système : il repose juste sur une anticipation de l'expansion réelle de cette demande, c'est-à-dire que, d'une manière ou d'une autre le crédit consenti doit être récupéré, les ajustements critiques pouvant être économiques et financiers (inflation, crises) ou politiques (accords internationaux dans lesquels les pays "avancés" ont un rôle dominant).

L’humanité toute entière est confrontée à la nécessité de faire apparaître les structures d’un nouveau mode de production qui marche dans le cadre de notre environnement Terre actuel et en devenir.

Seule la coopération peut y réussir. La poursuite de la compétition conduirait inéluctablement à l’extinction ou à la quasi extinction. Ce peut être cependant un objectif pour les plus forts. Alors, la partie n’est pas gagnée pour les coopérateurs, n’est-ce pas ?

Publicité
6 mai 2007

CITOYEN, DEMOCRATIE

CITOYEN, DEMOCRATIE

         Dans l'Antiquité, les personnes qui jouissaient du droit de cité étaient appelées "citoyens" et le droit de cité qualifiait l'ensemble des droits publics et privés des citoyens d' une cité ou, par extension depuis, d'un Etat. A Rome, ce droit se transmettait héréditairement ou s'acquérait par la naturalisation, pour les étrangers, ou par l'affranchissement, pour les esclaves. Cependant les femmes en sont exclues.

         Ce rappel nous intéresse pour préciser que la citoyenneté était un statut conféré par le groupe humain à ses membres naturels mâles et, plus exceptionnellement, à des membres rapportés. La citoyenneté apparaît comme la contre-partie d'une forme de codification de règles et d'usages reconnus par certains groupes humains afin d'assurer leur permanence et leur développement -par intégration de membres rapportés- et dont ce qui importe est moins l' application de ces règles et usages codifiés par les membres du groupe auxquels bénéficient ces "droits" que la surveillance même de cette application -avec sanction en cas de violation- par une institution du groupe lui-même : l'Etat, organisation volontaire du groupe, issue du libre arbitre de ses membres et formée de membres auxquels les autres les y délèguent. L'Etat né de groupes humains formés de membres égaux en statut -les citoyens- est d'essence républicaine et démocratique. Il est d’inspiration humaniste mais ne le devient vraiment que lorsqu’il abolit l’esclavage, accorde un statut aux étrangers, reconnaît aux femmes les mêmes droits et devoirs que ceux des hommes et ne protège plus aucune forme de discrimination.

         L'histoire contemporaine est celle de la division de l'espace planétaire en Etats aux limites géographiques ou frontières généralement reconnues par eux et entre eux, Etats formés  -par adhésion ou par plus ou moins forte contrainte exercée par un groupe dominant ou encore par un ou d'autres Etats- d'un ou de plusieurs groupes humains d'origines culturelles plus ou moins distinctes. L'histoire contemporaine est celle de l'affirmation planétaire du principe de l'Etat sur celui des peuples -le terme de peuple s'appliquant aux groupes humains formé d'individus partageant la même identité culturelle, quelle que soit par ailleurs la taille du groupe et la manière dont s'est formée son identité au cours du temps.

         Le contenu de la citoyenneté moderne défini par chaque Etat envers ses membres n'est donc plus partout en rapport avec les attentes et les pratiques de tous ses membres qui restent variablement déterminés, même de manière relative, par leur appartenance culturelle d'origine. La citoyenneté n'est plus libre arbitre mais raison d'Etat. Elle ne s’entend plus comme un humanisme mais comme un ordre de multiples formes et niveaux de discriminations individuelles, sociales, économiques, politiques, religieuses, etc.

         Cette situation de fait  participe des dérèglements du monde actuel, jusqu’aux conflits armés et aux massacres de populations entières, et produit une formidable souffrance humaine en même temps qu'en quelque manière elle permet la formation de la culture planétaire.

         De nos jours, les citoyens qui relèvent d'un ensemble étatique en même temps que d'une culture [1], ne savent pas toujours tous les droits et devoirs qui sont les leurs et -à admettre même qu'ils le sussent- ne parviennent pas toujours à faire coïncider leur expérience de vie, au jour le jour, avec ces mêmes droits et devoirs. L'Etat, même de statut démocratique, finit par être l’expression de groupes d’intérêt et de lobbies et manipule les tensions qui résultent des multiples discriminations en son sein pour préserver sa cohésion mais il ne parvient ne pas plus à faire respecter les devoirs qu'à satisfaire aux droits de tous. En réaction, les ressortissants d’une forme culturelle spécifique ont tendance à se regrouper en communauté et les diverses communautés s’efforcent de coexister avec la règle générale de l’Etat, qu’elle soit laïque ou non, tout en tentant, chacune, de l’influencer à leur propre profit produisant ainsi l’état de tension permanent[2] !

         Malgré cette situation qui dévalorise quelque peu la citoyenneté au présent et à cause d'elle, le citoyen reste le moteur d’une nouvelle citoyenneté plus universelle alors que les Etats eux-mêmes perdent du pouvoir au bénéfice de diverses formes multinationales.


[1] Les deux appartenances ne coïncident pas toujours et, lorsqu'elles coïncident, elles ne se superposent jamais pour autant.

[2] Les communautés ethniques, culturelles ou religieuses participent bien sûr de ce processus de tension permanente mais elles ne sont que la partie la plus visible de l’iceberg !

30 avril 2007

LIBERTE, HUMANISME ET ANARCHIE

LIBERTE, HUMANISME et ANARCHIE

L’humanisme est le parti-pris, pourrait-on dire, qui consiste à placer l'"homme" et les "valeurs humaines" [1]  au centre de la réflexion et de l’action.

         L'homme, créature de la nature mais plus encore de sa culture, échappe relativement au déterminisme de la nature par la culture, la culture étant le produit de sa relation aux autres hommes dans son groupe humain d'origine. Et il échappe relativement au déterminisme de la culture -entendue comme la culture dominante de son groupe humain d'origine- par la connaissance cumulative qu'il acquiert de son expérience de vie  comme de sa perception-interprétation de l'expérience de vie des autres hommes, dans et au dehors de sa culture d'origine, dans la mesure où il dispose des moyens physiques ou technologiques et intellectuels ou conceptuels de se projeter dans d'autres cultures que la sienne.

         L'homme dispose ainsi d'une plage de liberté qui, même restreinte par la nature et la culture, le positionne aussi comme le sujet -et non seulement l'objet- de l'histoire, son histoire dans la nature.

         Capable, au travers de la "symbolique" ou perception "analogue" du "réel", d'imaginer le réel et d'exprimer cet "imaginaire" par une "codification signifiante" (de façon « numérique » pourrait-on dire), l'homme ajoute du réel au réel naturel : le langage, l'écriture et les formes de communication codées, l'outil, des habitations et des villes , les produits fabriqués dont la production artistique, d'autres atomes, d'autres gènes, etc. [2]. C'est là le résultat merveilleux du libre arbitre de l'homme, de sa capacité de création imaginaire marquée par le "sens".

L'anarchie est affirmation du libre arbitre individuel contre toute forme de déterminisme et, en particulier, les déterminismes culturels de l'ordre de la parenté, de la religion, de la politique, de l'économie et du symbolique-imaginaire. Pour autant, l'anarchie n'est pas forcément humaniste.

         L'affirmation du libre arbitre est, par définition, d'essence individuelle.

         L'affirmation d'un libre arbitre -c'est-à-dire du libre arbitre d'une personne quelconque- peut s'opposer aussi bien :

-aux groupes humains, plus ou moins formellement organisés, dont cette personne relève ou est plus directement et continûment en rapport avec -c'est-à- dire à la plupart ou au plus grand nombre des individus qui constituent ces groupes, ou encore au petit nombre d'individus qui structurent plus directement ces groupes (la famille, les professeurs, les supérieurs hiérarchiques, etc.) ou enfin aux institutions auxquelles ces groupes ce rattachent et qui régissent et subliment finalement tout individu en unité indistincte d'une masse ou catégorie (par exemple la masse des citoyens, la masse des contribuables, la catégorie des chômeurs, etc.)

- qu'aux libres arbitres affirmés par d'autres individus en tant que tels [3].

         La "liberté" est donc un concept complexe car n'est vraiment libre que ce que rien ne contraint ou qui ne dépend de rien, mais seul un système clos, c'est-à-dire qui n'a besoin d'aucun échange avec ce qui l'entoure pour exister, ne peut être ni contraint ni dépendant, sauf en raison de lui-même. Et la vie étant fondée sur l'échange, il ne peut y avoir de vie sans contraintes ni dépendance. La liberté est donc incompatible avec la vie. Cependant, la liberté reste l'expression de l'aspiration humaine à s'affranchir des contraintes et dépendances qui asservissent. Le désir de liberté est celui de l'affranchissement des servitudes. En tant que tel ce désir est le moteur de la formation culturelle et de son évolution, de l'invention et de la production des signes d'utilité qui affranchissent des servitudes par réduction autant des contraintes, dépendances et aléas de l'ordre des échanges avec la nature -et qui produisent, depuis l'invention des premiers outils, la transformation de la nature de l'état de « nature-de-la-contrainte » pour l'homme à l'état de « nature-au-service-de-l'homme »- et avec la culture -et qui produisent des formes politiques d'organisation de moins en moins contraignantes pour les individus, de plus en plus au service des individus reconnus dans leur individualité et non dans leur masse ou catégorie.

         La liberté n'est pas un concept absolu. Elle a le sens d'un équilibre : celui de l'équilibre des échanges, au stade de leur réalisation, au niveau de "satisfaction" réciproque des partenaires à l'échange.

         Si anarchie et humanisme ont bien en commun la reconnaissance du libre arbitre de l'homme, il existe des expressions de l'anarchie qui s'opposent à l'humanisme : lorsque l'expression du libre arbitre individuel est telle qu'elle nie ou renie toute confiance en l'Homme.

         L'humaniste reconnaît le libre arbitre de l'homme et a confiance en l'homme -son égal- pour affirmer son libre arbitre au service d'un mieux être matériel et spirituel de l'homme-individu et du groupe humain dans son ensemble, l'humanité.

         La question de la confiance en l'homme ne se pose pas en raison du postulat romantique que l'homme est fondamentalement bon. Qu'importe tout jugement de valeur en la circonstance !

         L'homme, bon ou/et mauvais, est cellule du corps social, de la culture. Tout à la fois participant et contraint, producteur et produit, créateur et déterminé,  l'homme  est  aussi  indispensable  à l'évolution de l'humanité -mutations comprises qui font, ne l'oublions pas, partie de sa genèse- que l'humanité est indispensable à la formation et à l'exercice de sa condition d'homme.

         La reconnaissance de cet état de fait délivre de la question de confiance. Mais sans doute la confiance reste-t-elle encore nécessaire pour admettre cet état de fait, malgré les horreurs quotidiennement perpétrées qui ne peuvent manquer de nous en faire douter. "Eppur, si muove !" disait Galilée.

         Certains anarchistes n'ont confiance qu'en leur propre libre arbitre et considèrent le reste de l'espèce humaine, passée, présente et à venir comme une espèce inférieure, incapable, méprisable, non digne de respect.

La vraie ligne de fracture qui sépare les hommes de "gauche" de ceux de "droite" - pour employer les termes de repère politique propres aux français[4]- n’est-elle pas celle qui passe entre ceux qui ont fondamentalement foi en l'Homme et ceux qui n'ont foi qu'en eux-mêmes. Ainsi ne manquent-on pas de trouver des hommes de droite à gauche et des hommes de gauche à droite. Pourtant, tyrans de droite ou de gauche, ils sont bien tous de droite selon cette ligne de démarcation. Et l'analyse du politique dans quelque culture que ce soit s'éclaire étonnamment lorsque l'on utilise ce critère. Fondamentalement, ceux qui n'ont confiance qu'en eux-mêmes ne peuvent être démocrates que pour eux-mêmes et, devenus dirigeants, ils ne peuvent s'avérer qu'autocrates. La faiblesse humaniste c'est qu'elle inclut nécessairement dans sa confiance en l'Homme, les hommes qui n'ont confiance qu'en eux seuls. C'est le risque que l'humanité paye à son évolution. Car, à vrai dire, ceux qui ne croient qu'en eux-mêmes sont bien seuls et ils n'ont qu'un temps. Ils infligent blessures et souffrances que l'histoire finit toujours par panser. L'humanité progresse grâce à la confiance fondamentale qu'elle a en elle-même. Certains évolutionnistes biologistes expliquent aussi que c'est une question de gènes [5]. Pourquoi pas ?

         Pour l’anarchiste de gauche comme pour l’humaniste, libre arbitre individuel et confiance en l'Homme vont de pair avec le progrès matériel et spirituel de l'humanité.

[1] Nous employons le mot "valeur" parfois dans son acception culturelle, comme ici, pour exprimer l'ensemble des règles de conduite et de pensée jugées conformes aux normes culturelles -valeurs culturelles- ou à un idéal d'un groupe humain -valeurs humanistes, par exemple- ou encore à un idéal individuel -valeurs individuelles-, et parfois, dans son acception économique, pour exprimer l'estime accordée à un objet, matériel ou immatériel, par des individus ou des entités humaines.

[2] Symbolique, Imaginaire, Réel : voir Lacan et Wilden.

[3] C'est en cela que l'anarchie ne peut être une organisation politique. Il y a antinomie entre libre arbitre et organisation des libres arbitres. L'histoire des tentatives d'organisations anarchistes -et de leurs échecs systématiques- n'est autre que la démonstration de cette antinomie.

[4] Le terme apparaît au moment de la Révolution française : à l’Assemblée constituante les opposants aux droit de veto royal se groupent à gauche de la salle alors que les partisans du pouvoir royal étaient à droite. La notion politique de gauche est déjà l’écho annonciateur du grand principe anarchiste « ni Dieu ni maître ».

[5] Voir par exemple Richard Dawkins : "Le Gène égoïste", Editions Menges, 1978.


27 avril 2007

CONCEPT

Un concept est une formation idéologique, c'est-à-dire un ensemble d'opinons et d'idées -qui peuvent s'appeler hypothèses, théorèmes ou lois dans les sciences- qui prétendent s'organiser en un tout cohérent pour rendre compte des évènements et des phénomènes, même les plus globaux et généraux, et inspirer la stratégie, la tactique et l'action.

         Un concept peut être simple dans sa formulation, par exemple : "Dieu", et pourtant sous-tendre une vaste idéologie, voire l'idéologie entière et totalisante d'une culture.

         Au contraire, un concept peut être formulé de manière longue et sophistiquée dans les mots utilisés pour le former et ne renvoyer cependant qu'a des faits précis, de portée limitée ou circonscrite à un point d'un secteur d'un domaine particulier d'un sous-système d'une culture. C'est le cas, par exemple, des théorèmes en mathématiques. Mais un concept de portée limitée s'inscrit nécessairement toujours dans l'ordre des concepts qui l'englobent, le concept le plus global étant celui de la culture au sein de laquelle il se forme.

         Nécessairement un concept renvoie d’abord au "sens" commun et aux codes significatifs d'une culture.

         Entre les deux types extrêmes de formulation des concepts, on trouve toutes sortes de formulations. En général, plus la formulation d'un concept est précisée par des codes significatifs précis et plus le concept à une signification précise qui le constitue en signe d'utilité et définit donc sa valeur d'usage dans l'ordre de son usage concret.

         A l'inverse, moins la formulation d'un concept est précisée par de la signification et plus le concept renvoie au "sens". Le signe d'utilité d'un tel concept ou aussi sa valeur d'usage se définit alors dans l'ordre de son usage symbolique, la fonction symbolique étant celle de la formation du "sens".

         Cependant, dans la société complexe [1] qui est la nôtre, les concepts ont tendance à être tiraillés constamment entre "sens" et signification. C'est que la société complexe produit incessamment des poches évolutives du "sens" et de la signification. Les signes d'expression qui s'emploient au sein-même de notre culture dont une des fonctions principales devrait pourtant s'exercer à homogénéiser le "sens" de ses membres en "sens" commun et de faire valoir la signification commune des signes pour tous ses membres, ces signes ont tendance à ne plus avoir le même sens ni la même signification selon qui les émet et le contexte dans lequel ils sont émis. Si bien que pour que deux individus puissent échanger du "sens" ou/et de la signification dans la société complexe, il est nécessaire qu'il fassent chacun de leur côté, dans la procédure d'échange, un effort d'interprétation du "qui" et du contexte de l'échange. On peut concevoir la fonction de ce que l'on appelle les "médias" comme la facilitation de cette interprétation, par exemple au travers de la "vulgarisation" qui s'apparente au rôle du traducteur, avec les risques que ce rôle comporte de déformations, involontaires et volontaires, des signes originaux...

[1] Parmi les théoriciens de la complexité se rapporter notamment aux Etats-Unis, à Anthony Wilden et l'école de Palo Alto et, en France, à Edgar Morin et Gilles Deleuze.


27 février 2007

L'OBJECTIF

L'objectif de ce blog est de :

- collecter et de présenter les concepts et opinions des internautes francophones sur les grands thèmes contemporains (d'où le néologisme "ENCYBLOGGEDIE", titre du blog, par analogie avec le terme d'ENCYCLOPEDIE) ;

- définir et engager des actions à partir de ces grands thèmes.

D'ores et dejà vous pouvez faire part de vos commentaires, de vos concepts, de vos propositions de thèmes qui vous tiennent à coeur.

Merci.

Publicité
L'encybloggedie des concepts et opinions francophones
Publicité
Publicité